L’arrivée à Pékin (1600-1601)
Une nouvelle tentative d’aller à Pékin ….
En 1600, une nouvelle occasion se présenta de monter à Pékin. Ricci la saisit, dans l’espoir d’obtenir la permission tant désirée de pouvoir prêcher l’Evangile en Chine. Cette fois encore, il espérait que ses présents pourraient attirer l’attention de l’empereur et lui valoir une audience impériale. Ces présents avaient été montrés à certains fonctionnaires importants et, à l’occasion, Ricci les avait exposés dans sa résidence à Nankin pour que leur qualité extraordinaire ne soit un secret pour personne et ainsi qu’elle suscite la curiosité des dignitaires à la Cour, voire celle de l’empereur lui-même.
Après avoir consulté ses amis, au printemps 1600, Ricci considéra que les circonstances étaient assez favorables pour tenter sa chance. Il quitta Nankin en bateau avec le P. Diego de Pantoja et un Frère coadjuteur et, une nouvelle fois, remonta le Grand Canal. A Jining (济宁|濟寧), il rencontra pour une deuxième fois Li Zhi 李贽 | 李贄 (1527-1602), un penseur hors norme, qui l’introduisit auprès de son hôte, le directeur du transport du grain sur le Grand canal, Liu Dongxing 刘东星 | 劉東星qui fut particulièrement amical et serviable.
….. des embûches près du but …
Les jésuites continuèrent leur route sans problèmes jusqu’à Linqing (临清 | 臨清). Là, ils furent stoppés sur l’ordre du directeur des impôts de Linqing et Tianjin (天津), un puissant et vorace eunuque qui répandait la terreur, du nom de Ma Tang 马堂|馬堂. Celui-ci confisqua une partie de leurs affaires et certains des présents destinés à l’empereur, et les incarcéra à Tianjin pendant près de six mois. Ils cherchèrent l’aide de certains amis, mais en vain. Finalement, un ordre arriva de Pékin leur disant de venir immédiatement et d’apporter leurs présents à l’empereur. C’était l’hiver, le canal était gelé ; ils firent le voyage par terre et arrivèrent dans la capitale. C'est le 24 janvier 1601 qu'il franchit de nouveau les portes de Pékin et il ne devait plus quitter la capitale de l'Empire jusqu'à sa mort, le 11 mai 1610.
… l’Empereur est charmé, mais les difficultés se prolongent …
L’empereur fut enchanté des présents offerts par Ricci : deux horloges, une grande et une petite ; trois peintures à l’huile, l’une représentant la Vierge Marie, la seconde Marie avec l’enfant Jésus et Jean Baptiste ; la troisième, le Christ ; un clavicorde ; deux prismes vénitiens ; des miroirs ; un Theatrum orbis terrarum, par Ortelius, un bréviaire, etc. Il donna l’ordre aux missionnaires de rester au palais pour enseigner aux eunuques comment prendre soin des horloges et jouer du clavicorde. Ils furent bien traités, mais les eunuques de la clique de Ma Tang les gardaient constamment et les empêchaient presque complètement d’entrer en contact avec aucun mandarin, de peur qu’ils ne racontent quelque chose des machinations de Ma Tang.
A l’extérieur du palais, cependant, le directeur du Bureau de réception au ministère des Rites, Cai Xianchen 蔡献臣 | 蔡獻臣, qui était chargé des ambassadeurs étrangers, considéra que Ma Tang et sa clique avaient empiété sur sa juridiction en introduisant eux-mêmes ces étrangers. Il en résulta toute une querelle de prérogatives qui mit Ricci et Pantoja dans une position très délicate. Heureusement, ils furent finalement placés sous la protection du Bureau et logés dans la résidence pour les ambassadeurs étrangers. Là, ils rencontrèrent des gens d’Asie Centrale, et c’est en en se fondant sur leurs récits que Ricci put conclure que les termes «Cathay» et «Khambalik» utilisés par Marco Polo désignaient respectivement la Chine et Pékin. Ricci écrivit alors à ce sujet en Inde et en Europe et ses lettres aboutirent à l’envoi du Frère Bento de Goes qui se trouvait en Inde «dans un voyage long, épuisant et plein de dangers» à travers les hauts plateaux himalayens jusqu’à la ville de Suzhou (肃州, aujourd’hui Jiuquan 酒泉) dans la province du Gansu, ce qui apporta la preuve que Ricci ne s’était pas trompé.
Leur séjour dans la résidence pour les diplomates étrangers comme hôtes du gouvernement n’en était pas moins une sorte de détention qui les empêchait d’aller et venir à leur guise dans la ville. Finalement, grâce au courageux secrétaire principal du bureau de la sécurité pour le personnel, Cao Yubian 曹于汴, qui était devenu leur ami, ils furent autorisés à quitter la résidence et à louer une maison en ville. Bien vite, cette permission fut confirmée par l’empereur qui leur accorda aussi une allocation mensuelle.