Shaozhou (1589-1595)
Mais, au lieu de retourner à Macao, comme il en avait reçu l’ordre, Ricci alla à Shaozhou (韶州), au nord de la province de Guangdong, emportant avec lui des lettres de recommandation qu’il était arrivé à obtenir de Liu Jiwen en personne. Il y résidera jusqu'en 1595.
Etablissement d’une mission … protégée contre la xénophobie … mais pas de l’insalubrité
A Shaozhou, Ricci, maintenant bien au fait des conventions sociales chinoises, trouva une atmosphère plus hospitalière. Il reçut rapidement la permission d’acquérir un terrain et d’y construire une maison et une église. Cette fois-ci, l’église fut construite en style chinois. Il noua des relations amicales avec les magistrats du lieu et un bon nombre de lettrés, à Shaozhou même ou aux environs. Le préfet de Shaozhou veillait particulièrement à la protection des missionnaires, si bien qu’aucune malveillance à l’encontre de l’étranger ne pouvait aller bien loin. En revanche, le climat n’était pas très salubre et les deux jésuites qui l’avaient rejoint, les PP. Antonio de Almeida et Francisco Petris, moururent l’un en 1591 et le second en 1593.
Ricci obtient du succès par ses larges connaissances …
Attiré par la rumeur que les prêtres étrangers étaient des experts en alchimie, Qu Taisu 瞿太素 (ou Rukui 汝夔) (1549-1612), membre de la grande famille Qu de Changshu (常熟), demanda à Ricci s’il pouvait le prendre comme étudiant. Ricci lui enseigna surtout les mathématiques et l’astronomie, ainsi que la religion chrétienne. Qu devint un étudiant très sérieux, et plus tard un chrétien. La science occidentale était à cette époque quelque peu en avance sur la science chinoise, et Qu parla autour de lui de l’extraordinaire compétence de Ricci et ainsi lui amena un bon nombre de personnes.
Ricci cesse de porter la robe des moines bouddhistes pour adopter l’habit des Lettrés
Jusqu’alors les Jésuites en Chine s’habillaient comme les moines bouddhistes et étaient appelés comme eux
僧 (moine) ou 和尚 (bonze). Cependant, Ricci réalisa progressivement que le statut social des moines était inférieur à celui des lettrés qui avaient des diplômes officiels. En 1592, il demanda à ses supérieurs la permission de s’habiller comme les lettrés et de laisser pousser ses cheveux et sa barbe. Sans attendre la réponse – qui ne devait arriver que deux ans plus tard, il cesse de se faire appeler et adopte le titre de 道人 que Ricci rend par ‘prédicateur lettré’ avant d’opter quelques années plus tard celui de 神父 (‘père spirituel’), encore en usage aujourd’hui, ou de et de 司铎|司鐸 (instructeur du peuple). Ce faisant, Ricci s’éloignait du bouddhisme et se rapprochait des lettrés confucéens avec lequel ils pouvait trouver un langage commun, fût-ce partiellement.Les débuts de la sinologie occidentale …
A Shaozhou, Ricci se prépare à rencontrer ces lettrés ; il étudie la ‘langue classique’ pour lui permettre d’avoir accès à la culture chinoise, de traduire des textes anciens en langues occidentales, mais aussi d’écrire, car la langue écrite était la ‘langue classique’, comme le latin l’était en occident à l’époque. Ces études conduisirent notamment à la première traduction des Quatre Livres confucéens en latin, sous le titre de Tetrabiblion Sinense de Moribus, qu’il termina durant son séjour à Shaozhou, mais qui ne fut jamais publié. De plus, il développa le premier système de romanisation de la langue chinoise. Ces travaux font de Ricci à deux titres l’inventeur de la sinologie occidentale.