« De l’Amitié »


Ce fut aussi le premier ouvrage rédigé en chinois par Ricci lui-même (il en fit plus tard une traduction en italien). Il en a écrit : «De tout ce que nous avons fait, rien n’a été plus important que ce petit traité si court.»


Dans la société chinoise structurée par des liens de parenté ou de seigneurie, place est faite à un lien différent, celui entre amis, qui n'ont pas de liens de parenté ou de seigneurie. Mais ce terme n’a pas tout à fait celui qu’il a chez nous. Entre chinois, le mot pengyou 朋友 «ami» signifie plutôt l’appartenance commune à l’espèce humaine, plutôt qu’une relation sélective.

Dans la vie occidentale, même chrétienne, on choisit ses amis. Dans le monde chinois, dès la première rencontre, tout homme est un ami potentiel. On doit toujours considérer l'éventualité de développer une amitié avec un Chinois. Il ne peut pas en être autrement : la relation humaine est une solidarité nécessaire qui a toutes les nuances de l'amitié.


Ce petit traité De l'Amitié fut sans doute écrit pour répondre à une nécessité sociale. La seule position tenable pour Ricci, pénétrant dans le monde chinois, fut l'acceptation des choses comme elles sont et donc l'adoption d'une position amicale. Il était l'ami qui vient de loin. On ne peut pas traiter les Chinois autrement qu'en amis qui nous reçoivent nous-mêmes comme des amis.


Dans les relations des Chinois avec les étrangers, on se plaît à souligner que cet homme-ci qui arrive en Chine, vient de loin. C'est le premier mot du premier des livres confucéens : «Quand un ami vient de loin, est-ce que nous ne sommes pas profondément heureux?» (Analectes, Livre I, ch. 1).



Ce petit ouvrage a permis à Ricci de trouver le ton juste de la relation qu’il pouvait développer avec les Chinois. Il fut republié à plusieurs reprises.


De l’amitié (Jiaoyoulun 交友论) fut publié en 1595 à Nanchang, et republié en 1599 à Nankin, et de nouveau en 1603 à Pékin avec une préface très élogieuse de Feng Yinjing 馮應京 (1555-1606) (un magistrat et grand lettré de la capitale, à l’époque injustement emprisonné pour avoir dénoncé les abus d’un groupe d’eunuques).



Il en existe deux traductions en français


« De l’Amitié » du Père Ricci, traduction du Père Stanislas Yen, s.j., Bulletin de l’Université ‘l’Aurore’, 1947), retranscrit dans Une rencontre de l’Occident et de la Chine, Matteo Ricci, Centre Sèvres, Paris, 1983, pp.63-72.


Matteo Ricci, Traité de l’amitié, ouvrage bilingue, traduit du chinois par Philippe Che et présenté par Michel Cartier, Editions Noé, 2006.