Visage Ricci
MATTEO RICCI  
玛窦
Macerata 1552 - Pékin 1610
Tianzhu shiyi Mappemonde
MR et XGQ

Que retenir de Ricci?


Matteo Ricci était certainement doué de talents variés et exceptionnels. Issu d’une famille de notables, il excellait à nouer des relations à haut niveau ; religieux convaincu, il était attaché à respecter les cultures autres dans ce qu’elles avaient de raisonné, mais conforme à la théologie de son époque, voyait dans les autres religions l’œuvre du diable ; il excellait dans l’art de la discussion, il avait des facilités dans l’étude des sciences. Il a passé plusieurs années à étudier la langue chinoise, à étudier et traduire des classiques, à créer les conditions pour entrer dans la société chinoise. Par ce travail, il a gagné une certaine notoriété.


La situation de la Chine de la fin des Ming était aussi exceptionnelle. Que la Chine soit fermée ne l’était pas, ce fut plutôt la règle que l’exception au cours des deux premiers millénaires de notre ère. Ce qui était exceptionnel était une crise constitutionnelle grave, un monarque, Wan Li, qui ne faisait pas son travail, une opposition entre un parti des Eunuques qui tenait le Palais impérial et un parti de fonctionnaires intègres soucieux d’améliorer le sort du peuple dans un pays épuisé par des années de guerre contre le Japon et le versement de pensions à une famille impérial se comptant en milliers de personnes. L’influence du bouddhisme sur les penseurs chinois avait aussi contribué à émousser le dynamisme des fonctionnaires.


Matteo Ricci va être invité à participer à l’œuvre de ces fonctionnaires intègres, en montrant que les prévisions astronomiques peuvent être meilleures que celles réalisées par les astronomes officiels, en proposant des méthodes géométriques nouvelles, en construisant des instruments d’astronomie. La doctrine des Lettrés présente un certain nombre d’affinités avec le christianisme, la différence majeure étant que leur seule règle est celle du « cœur », d’un cœur fondamentalement bon et susceptible d’étendre sa préoccupation au monde entier. Les propos de Ricci sur l’amitié ou sur l’acceptation stoïque de conditions difficile, par le seul fait d’être tenus par un ‘ami étranger’, introduisent une extériorité qui change les perspectives et autorise l’adhésion à un Dieu extérieur.


L’édifice intellectuel et relationnel qu’avait construit Ricci demandait des talents exceptionnels et une autorité indiscutable. Dès sa mort en 1610, il fut soumis à des critiques, d’abord de proches, une partie des jésuites de la mission de Chine, puis des ordres mendiants (Dominicains et Franciscains) et enfin d’intellectuels chinois, qui découvraient dans les publications des religieux des affirmations non conformes aux enseignements chinois.


Aujourd’hui, Chinois et Occidentaux savent ce dont ils sont redevables à Matteo Ricci. Les Chinois lui doivent la découverte de la géométrie, la redécouverte de traditions anciennes oubliées en mathématiques et astronomie, une représentation cartographique du monde, toutes choses que certains interprètent comme le début de l’époque moderne ; ils apprécient encore quelques-uns de ses ouvrages littéraires, notamment son de l’Amitié.


Les Occidentaux savent qu’il a été le premier sinologue, créant une transcription phonétique, étudiant les Classiques chinois, communiquant l’intérêt de la tradition des Lettrés ; il décrit la Chine de la fin des Ming et ses institutions, il détermine avec précision la position de la Chine et prouve que la Chine est le Cathay décrit par Marco Polo. Il est aussi l’initiateur de la communauté catholique chinoise, qui s’est perpétrée en dépit des nombreuses persécutions dont elle a été victime.


Matteo Ricci est peut-être surtout le symbole d’une rencontre réussie pour les uns et les autres. Les Chinois apprécient ses efforts pour avoir étudié la langue chinoise et sa tradition de pensée, pour « être devenu chinois », pour avoir apporté diverses connaissances utiles, constituant un des rares exemples dans l’histoire où se fait une rencontre en profondeur avec des étrangers sans agression extérieure.


Les Occidentaux aiment cet italien qui est parti s’établir dans une pays très différent et s’est efforcé de faire partager ses convictions les plus intimes dans le respect de ses interlocuteurs, qui a apprécié sa culture et la fait connaître.