La recension du « Premier Recueil des Etudes célestes »

dans la Compilation des quatre Trésors

Au XVIIIe siècle, l’empereur Qianlong décida une compilation d’œuvres chinoises, appelée Siku quanshu (四库全书 « Compilation des quatre Trésors »), qui est la plus grande de l’histoire de Chine et publie in extenso plus de 3500 œuvres complètes. Il lui fut ajouté une annexe formée de recensions de plus de 13000 ouvrages (zongmu tiyao 总目提要), qui contient notamment les ouvrages de Ricci – ou du moins qui lui sont attribués.

C’est en 1929 que Li Zhizao a publié sous le titre Tianxue chuhan 天学初函 (Premier recueil des Etudes célestes) une compilation assez complète des œuvres de Ricci, ainsi que des traductions faites par d’autres jésuites, compilation regroupant des œuvres scientifiques et des œuvres religieuses et culturelles.

Extrait de la Recension Notice du Siku yuanshu zongmu tiyao, ch. 134, sur le Premier Recueil des études célestes (Tianxue chuhan 天学初函).

« Les méthodes chinoises et occidentales ont chacune leurs points forts. Il est impossible de l'ignorer.

« Les auteurs de ce livre ont voulu remplacer les méthodes des Neuf Chapitres par les méthodes occidentales, mais, par nature, chacune de ces deux méthodes a ses points forts et ses points faibles. Par exemple, la règle de trois d'origine occidentale se compare aux méthodes chinoises des « champs carrés », des « grains décortiqués et non décortiqués » ou des « parts décroissantes » qui sont tout à fait précises. Dans le cas du « trop et du pas assez » [c.à.d. de la fausse position ) ou des « évaluations bilatérales » [c.à.d. systèmes linéaires] les auteurs ont repris les anciennes méthodes chinoises ; par contre, ils ont trop simplifié les techniques chinoises de « diminution en largeur » : on y trouve du bien et du moins bien, tant dans les méthodes que dans les applications numériques. Dans son ouvrage intitulé « Des évaluations bilatérales » (fangcheng !un), Mei Wending dit que `Pour ce qui est des triangles rectangles, les Eléments de Géométrie les présentent de manière assez complète. Mais, pour ce qui est du `trop et du pas assez', ainsi que de l'évaluation bilatérale, l'Indicateur arithmétique des Cultures associées s'en est remis aux anciennes méthodes chinoises. Ce n'est absolument pas Ricci qui nous a transmis de telles méthodes'

« La supériorité des enseignements occidentaux (xixue)' réside dans les calculs, leur infériorité dans la vénération d'un Maître du Ciel faite pour troubler les esprits. Il est absurde de dire, comme ils le font, que "depuis l'immensité du Ciel et de la Terre jusqu'au plus petit vermisseau, il n'y a rien qui n'ait été créé de la main du Maître du Ciel". Cela ne mérite même pas une discussion approfondie. Par contre, quand ils veulent que les gens considèrent le Maître du Ciel comme leur plus proche parent et laissent là leurs père et mère, qu'ils mettent en second leur souverain et leurs supérieurs et donnent la direction de l'État à ceux qui répandent la doctrine du Maître du Ciel, il y a là une atteinte sans précédent aux règles les plus constantes. Comment leur doctrine pourrait-elle être admise en Chine ?

« En faisant connaître leurs méthodes de calcul, Li Zhizao et les autres' ont su garder sans doute ce qu'il y avait d'acceptable dans leurs enseignements, mais c'est du dérèglement que d'avoir imprimé et diffusé en même temps leurs propos trompeurs et mensongers, dont le désaccord avec les idées de nos Classiques est manifeste'.»


L'auteur de cette notice ajoute que les compilateurs de la grande collection d'oeuvres imprimées et manuscrites réunies à la fin du XVIIIe siècle, le Siku quanshu, ont choisi de conserver dix ouvrages de mathématiques dans la partie scientifique du recueil de Li Zhizao. Pour les autres, ceux de la classe li (relative au principe d'ordre universel), ils n'ont gardé que le Zhifang waiji, une sorte de cosmographie rédigée en commun par le P. Aleni et Yang Tingyun en 1623. "Tout le reste a été censuré. Ils ont conservé aussi l'avant-propos de Li Zhizao afin de faire connaître son crime : celui d'avoir prêté main-forte à l'hérésie.»

(Traductions et commentaires de J C Martzloff et de J Gernet)