Michele Ruggieri (1543-1607)

Quand Ruggieri arriva à Macao en 1579, Valignano était parti au Japon, mais il lui avait laissé des instructions très détaillées sur la manière dont il devait se préparer aux tâches qui l’attendaient. Ruggieri se mit au travail avec grand zèle. Il composa tout d’abord un catéchisme en chinois et plus tard, avec l’aide d’un interprète, traduisit en latin un des «Quatre Livres» confucéens, La Grande Etude. Il ne fut guère encouragé dans cette voie par les autres prêtres à Macao. Peu nombreux, ils s’occupaient des soldats et des marchands et auraient voulu qu’il les secondât dans cette tâche, car selon eux il n’y avait aucun espoir d’obtenir la permission de travailler en Chine.


Ruggieri n’en continuait pas moins ses études, mais trouva l’étude du chinois bien différente de celle d’un dialecte indien. En fait, il n’arrivait pas à maîtriser la langue ; cependant, il assimila très bien les formalités de l’étiquette chinoise, si bien qu’il se fit des amis chinois en dépit de son mauvais chinois. Sans grand espoir de faire des progrès dans la langue, il écrivit à Valignano alors au Japon, suggérant d’envoyer Ricci qui était allé en Inde avec lui et y avait été ordonné. Valignano donna son accord et écrivit en Inde qu’on envoie à Macao Matteo Ricci et Francesco Pasio qui étaient venus d’Italie avec Ruggieri (Pasio irait de Macao au Japon). Comme les courriers n’étaient pas rapides à cette époque, Valignano arriva à Macao avant les deux prêtres.


Dans l’intervalle, Ruggieri, déterminé à faire avancer le projet chinois de Valignano, demanda la permission d’aller à Canton avec quelques-uns des commerçants portugais qui étaient autorisés à y faire deux visites chaque année. C’est en 1580 qu’il se rendit pour la première fois à Canton. A cette occasion, il fit grande attention à tous les détails de l’étiquette chinoise – chose dont ne se souciaient nullement les marchands portugais. Les magistrats chinois, eux, prirent bonne note de l’attitude de Ruggieri et, après leur première rencontre, demandèrent qu’il soit présent à toutes les audiences accordées aux étrangers.


La glace avait été brisée. Quand il revint l’année suivante, en 1581, on lui marqua beaucoup de respect, car on réalisa que ce n’était pas un marchand, mais un lettré étranger. Il fut donc autorisé à rester debout pendant les audiences, alors que les autres devaient être à genoux. A sa troisième visite, la même année, quelques-uns des magistrats et des notables assistèrent à sa messe.


En 1582, ses efforts permettent, parmi d’autres, de renvoyer vers Macao deux frères mineurs accompagnés de cinq religieux et trois soldats qui, en route pour Macao, avaient débarqué par erreur à Quanzhou, dans la province du Fujian, et furent pris pour des espions.


Quand Valignano rentra du Japon à Macao en 1582, il ne faisait cette fois-ci que passer. Il avait vu les résultats de la méthode d’accommodement culturel au Japon et maintenant il espérait pouvoir appliquer la même méthode en Chine. Comme il n’y avait guère de chances de gagner à ses idées les missionnaires engoncés dans leurs vieilles habitudes, il changea le Supérieur de Macao et mit en place un dispositif pour la mission en Chine, tout à fait distinct du travail auprès des soldats et des marchands.


Très vite, il eut de bonnes raisons de penser que sa méthode allait réussir et que des relations avec des mandarins haut placés allaient s’établir. En effet, des jésuites espagnols, envoyés aux Philippines, qui dépendaient de la couronne d’Espagne, désireux de contribuer à la conversion de la Chine, se rendirent à Canton via la province de Fujian, sans passer par Macao. Les magistrats de la province du Guangdong dénoncèrent cette manière de faire et le Vice-roi des deux provinces de Guangdong et Guangxi, qui résidait à Zhaoqing, convoqua l’évêque de Macao.


Valignano envoya Ruggieri comme représentant de l’évêque et la courtoisie et la suavité du jeune prêtre conquit si bien le Vice-roi qu’à son retour à Macao Ruggieri reçut une invitation officielle à retourner à Zhaoqing pour y demeurer de façon permanente. Valignano donna aussitôt son assentiment et envoya avec Ruggieri Francesco Pasio qui venait d’arriver d’Inde. Ils furent très bien reçus par le Vice-roi qui leur donna une pagode où ils purent s’installer et vint sans tarder leur rendre une visite de courtoisie, offrant une calligraphie chinoise à Ruggieri.


Malheureusement, leur séjour fut bref. Le Vice-roi tomba en disgrâce. Quand il fut appelé à Pékin pour se disculper, il pensa sage de demander aux deux jésuites de partir. Ils revinrent donc à Macao. Mais de là Ruggieri écrivit aux magistrats de Canton leur demandant la permission de retourner à Canton et cette permission arriva très rapidement, ainsi que l’autorisation d’acquérir un petit terrain où bâtir une maison et une chapelle. Comme à ce moment-là, Francesco Pasio était parti au Japon, Ruggieri prit pour compagnon Matteo Ricci qui était arrivé à Macao le 7 août 1582. Même si c’était Valignano qui avait décidé de la nouvelle méthode missionnaire et Ruggieri qui commença à la mettre en pratique, il revint à Ricci de la mener à terme et, dès lors, il devient le principal jésuite de la mission en Chine.