« Vingt-cinq Paroles »

« Vingt-cinq Paroles » (ershiwu yan 二十五言) fut écrit à Pékin en 1604.


Cet ouvrage, comme l’a montré Christopher Spalatin dans sa thèse, est une paraphrase sélective de l’Encheiridion (ou Manuel) d’Epictète. Mais ces propos présentés aux chinois dans le cadre de l’enseignement du Seigneur du Ciel acquièrent une dimension nouvelle.


L’idéal du Lettré est, dans le même mouvement, de se perfectionner soi-même, de diriger sa maison et de pacifier le monde, autrement dit d'étendre le domaine de ses préoccupations éthiques jusqu'à son pays et à ses habitants . Or il y a des époques (ce fut celle de Confucius et c’était celle de la fin des Ming) où les dirigeants du pays ne se soucient plus de la morale et où les Lettrés ne peuvent accepter ce qu’ils leur demanderaient, s'ils les employaient.
Confucius et Mencius ont distingué «ce qui dépend de nous» de «ce qui ne dépend pas de nous»; Confucius décrit la conscience de cette situation en parlant de «mandat du ciel». Cette expression, qui dans une Chine ancienne avait gardé la dimension religieuse du ‘Ciel’ ouvrait des perspectives, n’avait plus de sens à une époque où le ciel n’était plus que la nature. Ricci en introduisant le Seigneur du ciel permettait de retrouver l’inspiration religieuse originelle de la formule.


Feng Yingjing 馮應京 (1555-1606), un haut magistrat, avait été injustement emprisonné pour avoir critiqué les abus d’une clique d’eunuques. Avant d’être en prison, il avait rencontré Ricci et ils étaient devenus d’emblée amis. Les Vingt-cinq Paroles lui plurent beaucoup et il la publia à ses propres frais, avec une préface très élogieuse.

Moi, Feng Yingjing, j'ai reçu cet ouvrage et cet enseignement dont j'ai bénéficié. Après, je l'ai fait imprimer et je l'ai distribué à mes amis et relations. Je ne voudrais pas que l'on me critique pour l'avoir fait simplement à l'heure de la disgrâce dans la seule intention d'alléger la punition intérieure que je subis. Je ne veux pas non plus être accusé de n'être pas totalement désintéressé en absorbant cet enseignement. Je ne veux pas cacher le don d'un saint homme de l'Ouest. Je souhaite que tous les hommes de la terre qui vivent sous la même loi du ciel voient où ils devraient aller. Je forme uniquement le voeu que tous ceux qui sont véritablement capables d'apprendre fassent écho à mon sentiment et s'unissent à mon coeur..

Son attitude n’était ni la résignation stoïque à son mauvais sort ni la soumission volontaire au décret d'un Dieu inexorable, mais l'abandon à un Dieu clément qu'il pouvait prier et qui lui apportait du réconfort.