« La vraie idée de Dieu »


La vraie idée de Dieu (tianzhu shiyi 天主实义) est un exposé de la doctrine chrétienne.


Cet ouvrage a aussi été appelé La vraie idée des études célestes (tianxue shiyi 天学实义) jusqu’en 1615, le terme “études célestes”, créé par des convertis, ayant été jusqu’à cette date équivalent de christianisme.

Plus précisément, il s’agit d’un exposé des bases de l’enseignement chrétien : Dieu créateur du ciel et de la terre, l'âme immortelle, la récompense des bons et la punition des méchants. Au départ, cet ouvrage ne devait être que la première partie d’une présentation globale de la religion chrétienne, mais la seconde partie, qui devait approfondir les questions et développer l’argumentation, ne fut jamais rédigée.


Il se présente sous la forme d’un dialogue entre un lettré d’Occident et un lettré chinois: ce dernier posant les questions et émettant des objections, auxquelles son interlocuteur répond. Ricci s’est inspiré des discussions qu’il avait eues avec des lettrés et des magistrats où il se joignait à la critique que les Lettrés font des enseignements taoïstes et bouddhistes; il présentait son enseignement comme un complément de ceux des Lettrés, en interprétant d’une manière originale les propos de Confucius.


La vraie idée de Dieu est formée de deux parties, chaque partie contenant quatre chapitres, dont les titres sont donnés ci-dessous.


Première partie

1. Que le Maître du Ciel a créé d'abord le Ciel, la Terre et les Dix mille êtres, qu'il les dirige et les entretient. Preuves de son existence.

2. Où l'on explique que les gens de notre époque méconnaissent le Maître du Ciel. Ricci accuse bouddhisme et taoïsme de se fonder sur le vide et le néant.

3. Que l'âme de l'homme ne disparaît pas, à la grande différence de celle des animaux.

4. Où l'on réfute les fausses conceptions relatives aux esprits et à l'âme de l'homme et où l'on explique que les Dix mille êtres du monde ne peuvent être d'une seule substance, suivant la thèse chinoise.


Deuxième partie

5. Où l'on réfute les mensonges relatifs aux six voies de renaissance du bouddhisme et à l'interdiction du meurtre des animaux et où l'on révèle le sens correct du jeûne.

6. Où l'on explique que l'intention ne doit pas être abolie (c'est l'intention qui qualifie une bonne ou une mauvaise action) et où l'on démontre qu'il y a, après la mort, des rétributions en paradis et en enfer pour ce que les hommes ont fait de bien et de mal dans leur vie.

7. Où l'on démontre que la nature humaine (quand elle est identifiée à la Raison) est fondamentalement bonne.

8. Sur les conceptions morales de l'Occident, le célibat des prêtres et la venue au monde de Jésus.



Le chapitre VI de cette œuvre est accessible sur ce site. Il nous est difficile de comprendre un tel dialogue, car les problématiques sont celles des Lettrés de la fin des Ming. Mais ce livre fut apprécié par les Chinois et par les Coréens : au début du XVIIe siècle, un diplomate coréen, Yi Gwang-jeong, rentra de Pékin en apportant en Corée plusieurs livres théologiques écrits par Matteo Ricci, et notamment la Véritable idée de Dieu ; il en présenta le contenu dans des livres qui suscita dans son pays un christianisme natif.


La première mouture de cet ouvrage fut probablement terminée dès 1593 et Ricci et d’autres l’utilisaient dans leurs travaux missionnaires. Ricci le traduisit lui-même en latin et le soumit, pour approbation, à l’évêque du Japon, Luis Cerqueira (qui, à cause de la persécution au Japon, résidait à Macao) ainsi qu’au Visiteur, Alessandro Valignano et à son supérieur, Duarte da Sanda. On recommanda quelques modifications et, quand Valignano partit pour le Japon, il demanda à da Sanda de renvoyer le manuscrit à Ricci. Mais, le décès de da Sanda en 1599 et le voyage de Ricci au nord du pays causèrent du retard et il est probable que Ricci ne récupéra son manuscrit qu’après son arrivée à Pékin, en 1601. Il ajouta au chapitre VII la discussion qu’il avait eue avec le moine bouddhiste San Hui, et apporta quelques additions au chapitre IV. Le livre devait demeurer sous forme manuscrite pendant encore un certain temps, soit parce que l’évêque de Macao ne lui donnait pas la permission de l’imprimer, soit que Ricci lui-même désirait améliorer encore son texte.


C’est à peu près à cette époque que Feng Yingjing 馮應京 (1555-1606) en obtint une copie, la lut et écrivit une préface à la louange de Ricci, datée du 3 février 1601. Xu Guangqi 徐光啟 (1562-1633) lut et corrigea une autre copie. Li Zhizao 李之藻 (1565-1630) aussi fit quelques corrections. Ricci écrivit aussi une préface, datée du 22 août 1603. Finalement, et en dépit d’avis contraires, il est à peu près certain que le livre fut publié en 1603.


Traduction française par le P. Charles Jacques (1688-1728) publiée dans les Choix de lettres édifiantes, 2° édit., Bruwelles, 1838, vol.II, pp.1-179, et intitulée : « Entretiens d’un lettré chinois et d’un docteur européen, par le P.Ricci ».

Traduction anglaise : Matteo Ricci, S.I., The True Meaning of the Lord of Heaven (T’ien-chu Shih-i) , traduit avec Introduction et Notes par Douglas Lancashire et Peter Hu Kuo-chen, S.I., en coopération avec le Ricci Institute, Taipei, Taiwan, et The Institute of Jesuit Sources, 1985.