Zhaoqing (1582-1589)

Dès son arrivée à Macao le 7 août 1582, Ricci se mit à l’étude du chinois. Et l’année suivante, la porte s’entrouvre : les Jésuites (et autres missionnaires) ne pouvaient rester à l’intérieur de la Chine que quelques jours, si ce n’est quelques semaines, Michele Ruggieri reçoit finalement la permission du gouverneur-général des provinces de Guangdong et Guangxi, Guo Yingping 郭应瓶|郭應瓶, de s’établir à Zhaoqing, à l’ouest de Canton où lui-même, qui avait le titre de «vice-roi», résidait. Michele Ruggieri, accompagné de Matteo Ricci, y arrive le 10 septembre 1583.


La première mission … confusion avec le bouddhisme …

Ricci fit dès son arrivée une requête au vice-roi des provinces des «deux Guang» (Guangdong et Guangxi, deux provinces localisées à l’est et l’ouest de la «Grande [Guang] Voie du Sud») qui illustre parfaitement son attitude. Il y était écrit notamment qu’ «ils étaient des hommes religieux qui avaient quitté leur pays, attirés par la grande renommée du gouvernement de la Chine, pour y venir demeurer et mourir. Ils ne demandaient qu’un coin de terre, où ils feraient, à l’aide d’aumônes, une petite église et une maison, pour y servir le Seigneur du Ciel qu’ils adoraient, sans donner d’embarras à personne, et vivant d’aumônes qu’ils avaient déjà reçues.»


Le préfet du lieu, Wang Pan 王泮, accepta cette requête après avoir vu la curiosité que représentait la Mappemonde que Ricci avait avec lui. Avec son aide, ils acquirent rapidement un terrain à l’extérieur de la ville, où ils bâtirent une maison et une chapelle de style européen. Le préfet leur présenta deux plaques qui l’une et l’autre indiquaient qu’à cette époque les Chinois pensaient que les missionnaires étaient des bouddhistes : "Xianhuasi 仙花寺 (La Pagode des Fleurs Immortelles)" et "Xilai Jingtu 西来净土 (La Terre Pure venue d’Occident)". Le fait est que, sur les instructions de Valignano, les deux missionnaires avaient adopté le costume des moines bouddhistes.


C’est de cette période que date la première référence au Dieu chrétien comme «Seigneur du Ciel (Tianzhu 天主)».


Les deux missionnaires attirent l’attention par une «mappemonde» … des curiosités …

Dans la résidence, Ricci avait en effet exposé la Mappemonde qui suscita l’intérêt de certains de ses visiteurs, tout spécialement celui de Wang Pan. A leur suggestion, il fit une copie de cette carte, en traduisant les noms en chinois. Ce fut la première édition de sa célèbre Mappamonda ou Yudi shanhai quantu 舆地山海全图 |輿地山海全圖 (Carte complète des territoires, montagnes et mers) qui fut imprimée fin 1584.


Ses horloges occidentales, ses prismes vénitiens, les peintures et livres européens étaient des nouveautés et attiraient bon nombre de visiteurs, magistrats ou lettrés.


… et par leur mode de vie …

Avec leur mode de vie exemplaire, leur assiduité à l’étude et aussi l’absence de tout prosélytisme déplacé de leur part, les deux missionnaires gagnèrent peu à peu le respect des gens instruits et se firent des amis. La sympathie manifeste du préfet ne faisait qu’ajouter à leur prestige. Néanmoins, ils n’échappèrent pas à des mouvements de xénophobie et de jalousie, et à toutes sortes de calomnies. A une occasion, Ricci fut capable de démontrer son innocence et son calomniateur fut puni. Mais, un peu plus tard, Ruggieri eu beaucoup de mal à se justifier.


Cependant, Ricci n’oubliait pas que la principale raison de sa venue en Chine était la conversion des âmes. Le nombre de ceux qui furent baptisés par les missionnaires entre 1583 et 1589 fut de l’ordre de 70.

Ricci est obligé de quitter Zhaoqing … mais reste en Chine

Les efforts de Ricci et de Ruggieri pour préparer la route à d’autres jésuites qui viendraient en Chine et pénétreraient dans d’autres provinces, ainsi que les problèmes causés par un des rares convertis chinois qui se révéla être un imposteur, ajoutaient aux difficultés rencontrées auprès de certains magistrats et de la populace.


En 1588, Valignano décida d'envoyer Ruggieri à Rome pour y expliquer la situation et demander au Pape de dépêcher une ambassade à l'Empereur de Chine. La mort de quatre papes en un an et demi fit obstacle au dessein d'envoyer une mission officielle en Chine, puis ce fut trop tard. Ruggieri par la suite eut des ennuis de santé en Europe et ne retourna plus en Chine.


Quant à Ricci, désormais seul à Zhaoqing, il y demeurera jusqu'en 1589. En effet, ses amis ne purent le protéger quand un nouveau gouverneur-général, Liu Jiwen 刘继文|劉繼文, lui intima l’ordre de partir, en ne lui payant qu’une indemnité de 60 taëls d’argent, bien en dessous de la valeur réelle de leur propriété et, en août de cette année-là, Ricci quitta la résidence de Zhaoqing.