4. Ethique


Alors que Ricci et ses successeurs combattaient et tentaient de discréditer la métaphysique et la cosmologie néo-confucéennes, ils gardèrent l'enseignement socio-éthique de Confucius, ne le considérant pas contraire à la morale chrétienne mais comme la complétant.


Dans son livre De l’Amitié (Jiaoyou lun交友论) , Ricci mit sur le même pied le concept chrétien d'amour et le concept confucéen de bonté humaine (ren 仁). La véritable amitié, dit-il, consiste à «traiter l'autre comme soi-même». Et il élargit même davantage le concept de bonté humaine quand il dit que toute la signification de la bonté humaine peut sans doute être résumée en deux phrases : aimer Dieu par-dessus tout et aimer les hommes comme on s'aime soi-même. Si quelqu'un y parvenait, il posséderait toutes les vertus...


«Dieu aime également tous les hommes, et si quelqu'un aime vraiment Dieu, est-il alors possible de ne pas aimer tous les hommes?» Confucius lui-même avait dit qu'un homme de bonté aime tous les autres.

«Si quelqu'un n'aime pas les autres, comment juger de sa sincérité envers Dieu?»

La visée de Ricci est évidente. Si les Chinois retrouvent et quand ils auront retrouvé la notion primitive de Dieu, ils deviendront des hommes vraiment vertueux. En voulant compléter le confucianisme par la morale chrétienne, son dessein apparaît donc clairement. Au lieu de contester l'éthique confucéenne des cinq relations (souverain-ministre, père-fils, époux-épouse, frère aîné-frère cadet, amis), Ricci et ses successeurs soutinrent que le christianisme rendait le confucianisme plus parfait. Ainsi, comme aux temps anciens du «confucianisme originel», la Chine redeviendrait capable de créer une société tout imprégnée de morale et d'harmonie.


Ricci offrait ainsi aux Lettrés une méthode pour éprouver la validité de son enseignement d'étranger. En prétendant que le christianisme atteignait au sommet de l'efficacité morale, il lui donnait une dimension confucéenne. En présentant le christianisme comme aussi convaincant d'un point de vue moral que le confucianisme et même plus, il «confucianisait» le christianisme ou christianisait le confucianisme. Le christianisme devait être jugé ou évalué à travers les normes confucéennes s'il voulait être accepté. Il devait être moralement efficace.


Xu Guangqi et d'autres convertis considéraient Ricci et les premiers jésuites comme de vrais disciples des Sages, parce que leur approche (dao 道) avait la marque de la sincérité (cheng 诚). C'étaient des hommes de vertu (de 德), s'efforçant de servir la société. Bien d'autres Chinois furent surpris de voir ces barbares obéir à des normes éthiques aussi élevées.

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